La Vie | Le blog du Happython

La Vie


 
A Jeumont, petite commune du Nord de la France, les chômeurs n’ont pas tous le moral en berne. Neuf d’entre eux ont choisi de devenir « Agents du bonheur ». Au service du Happython… Une idée follement généreuse.
 
N’allez pas dire à Emmanuel que le bonheur est dans le pré. Il vient de le trouver sur les trottoirs de sa ville. Au RMI, malgré son BEP hôtellerie-restauration, ce jeune jeumontois a joué pendant trois semaines les « agents du bonheur », au service d’une idée généreuse, le happython… ou l’organisation d’un marathon original : collecter des milleurs de témoignages heureux. Un pari audacieux dans une ville de 10 000 habitants, dont 27% des chômeurs, d’autant que ces neuf agents recrutés par la municipalité pointaient tous au RMI ou aux Assedic.
 
Pendant trois semaines dont, Emmanuel, bravant sa timidité, est allé au-devant de ces concitoyens. Recueillant leurs impressions de bonheur, depuis le plaisir de croquer du chocolat à celui de remarcher après un accident. Les 18-19 et 20 avril dernier, au centre culturel, les habitants de la région ont pu découvrir le résultat de cette quête : des centaines de messages accrochés à une corde à linge. Comme une invitation à lessiver ses idées noires et laisser place à un grand courant d’air revigorant. Car Thierry Vermont, l’artiste lillois à l’origine du concept (La Vie n° 3145 du 8 décembre 2005), en est convaincu : le bonheur, cela permet « la tolérance,la responsabilité, l’espris d’initiative, la collaboration, l’enthousiasme et la motivation ». Pour préparer l’expositionles bénévoles se sont affairés dans les écoles, les hôpitaux, les maisons de retraite, les commerces… Un travail valorisant et une occasion de se re-insérer dans la société.
 
Ainsi, munie de son badge d’agent du bonheur, Fatiha, 37 ans, secrétaire au chômage n’hésite pas à s’immiscer au beau milieu d’une file d’attente, au bureau de poste, pour faire son enquête : «  j’ai acquis une plus grande confiance en moi et puis, rien qu’avec un sourire, ça passe très bien », déclare-t-elle. Les messages de bonheur qu’elle reçoit auprès des femmes portent le plus souvent sur la famille et les enfants (naissance, premiers pas, études, sorties), les hommes évoquent plutôt leurs relations avec les femmes (rencontres, mariage …) Ainsi, pour Mathieu, 26 ans : « C’est le jour où ma copine est venue me dire qu’elle était amoureuse de moi ». Pour Lucette, 66 ans c’est sans hésitation, « le baptême de (sa) petite-fille ». Et François, 48 an,de résumer le sentiment général : « Je suis heureux quand je vois ma femme et mes enfants heureux ».
 
Les neufs agents du bonheur ont suivi un stage de théâtre et de communication pendant onze jours afin d’être mieux armés sur le terrain. « Il était important aussi de leur offrir dans la vie : affronter les obstacles, s’ouvrir aux autres, savoir désamorcer la situation face à une personne ne souhaitant pas répondre », explique Thierry Vermont. A travers des jeux de rôles, ils ont également été amenés à se confier sur des sujets personnels. L’une des participantes n’a pas pu supporter cette préparation et a quitté l’équipe dès le début.
 
Faire appel à des gens en difficultépour évoquer le bonheur dans une ville qui compte un tiers de chômeurs, il fallait oser. « Un pari fou que je suis ravie d’avoir tenté » déclare Christine Marin, le maire UMP de Jeumont. Cette élue atypique connaît bien ces agents du bonheur pour les avoir reçus en qualité de demandeurs d’emploi. « Je leur disais de ne pas perdre confiance. Aujourd’hui, ce sont eux qui me disent : «  Mais il faut sourire, Madame le maire, on va y arriver … »
 
Une satisfaction aussi pour l’inventeur du Happython,parti de rien il y a sept ans. Aujourd’hui, c’est la première fois qu’il mobilise une véritable équipe grâce à l’aide financière du Fonds social européen et à l’intervention du Plie (plan local pour l’insertion et l’emploi) ; qui a recruté les stagiaires. Mais la renommée du projet dépasse largement les frontières de Jeumont puisqu’il dispose aussi d’un site internet. Plus d’un million de messages, envoyés du monde entier, y sont consultables. On peut obtenir son diplôme d’agent du bonheur en récoltant des témoignages dans son entourage. Une dynamique qui vise à propager ce que Thierry Vermont appelle le « virus du bonheur ».

Chloé Delahaye

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